AU FIL DES SEMAINES > L’ACTU – Où marie-t-on le plus d’adolescentes dans le monde?

Quelque 720 millions de femmes dans le monde ont été mariées alors qu’elles étaient mineures, et ce nombre pourrait atteindre 1,2 milliard au cours des prochaines années. Dans les pays en développement, une fille sur trois est mariée avant d’avoir 18 ans et une sur neuf, avant 15 ans. Certaines n’ont que huit ou neuf ans quand leurs familles scellent leur sort.

Les régions les plus problématiques sont l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne.

Cela s’explique par des traditions de mariage précoce, affirme Satvika Chalasani, spécialiste de la santé reproductive et sexuelle au Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), mais aussi par la pauvreté et l’inégalité entre les sexes, qui sont très présentes dans ces régions.

Un autre facteur qui entre en ligne de compte est le faible taux de scolarisation des filles en Asie du Sud et en Afrique de l’Ouest et centrale. «Il y a une corrélation très consistante historiquement entre un faible taux de scolarisation et le mariage précoce», précise Mme Chalasani.

Un droit fondamental violé

Ces mariages de mineures constituent pourtant une violation des droits fondamentaux des filles.

Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme, «le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux». La Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la plupart des États du monde, proscrit le mariage des enfants, dans la mesure où une personne de moins de 18 ans n’est pas en mesure de donner son libre consentement.

Pour les organismes qui oeuvrent à son élimination, il s’agit carrément d’une forme d’esclavage moderne.

Ces filles-là sont mariées pour servir la famille de leur mari. Elles deviennent des travailleuses forcées dans [leur] foyer.

Françoise Girard, présidente de la Coalition internationale pour la santé des femmes

Les filles mariées à un très jeune âge sont plus souvent victimes de violence conjugale que les femmes qui se sont mariées plus tard, affirme Françoise Girard, présidente de la Coalition internationale pour la santé des femmes. Dans la mesure où elles sont habituellement beaucoup plus jeunes que leur mari, elles détiennent un pouvoir moindre dans la relation. De plus, elles subissent souvent des violences de la part de leur belle famille.

Dans plusieurs pays en développement, plus de la moitié des filles de 15 à 19 ans mariées ont des époux qui ont au moins 10 ans de plus qu’elles.

Mohammad Hasamur Rahman, 32 ans, pose avec sa nouvelle épouse, Nasoin Akhter, 15 ans, à Manikgani, au Bangladesh.
Mohammad Hasamur Rahman, 32 ans, pose avec sa nouvelle épouse, Nasoin Akhter, 15 ans, à Manikgani, au Bangladesh.  PHOTO : ALLISON JOYCE

Un problème sanitaire

Une fois que la jeune fille est mariée, elle subit d’intenses pressions pour avoir des enfants. Mais les grossesses précoces sont extrêmement dangereuses.

Dans les pays en développement, les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la principale cause de décès chez les femmes de 15 à 19 ans. Le corps des adolescentes n’est pas prêt pour la maternité, leur bassin étant généralement encore trop étroit, ce qui peut entraîner des problèmes.

Puisqu’elles ont difficilement accès à des soins adéquats, le danger que les mères meurent pendant l’accouchement est beaucoup plus élevé. Si elles n’en meurent pas, ces complications peuvent causer des blessures permanentes, telles que la fistule obstétricale, qui les affecteront pour le restant de leurs jours. Leurs bébés, eux, courent un risque bien plus élevé de mourir à la naissance ou pendant le premier mois de leur vie.

Les adolescentes sont également plus susceptibles d’avoir des bébés prématurés ou de plus faible poids, ce qui augmente leur risque de problèmes de santé futurs.

Les filles de moins de 15 ans sont cinq fois plus susceptibles de mourir en couches que les femmes de 20 à 24 ans.

Un cycle de pauvreté qui se perpétue

Une jeune fille et son bébé
Albertina Ricardo, 17 ans, s’est mariée à 15 ans après avoir abandonné l’école. Elle pose avec son enfant, le 11 novembre 2015 à Inhambane, au Mozambique.   PHOTO : ADRIEN BARBIER

Le mariage nuit grandement à l’éducation des filles. « Dans certains pays, le statut de la femme a peu changé », explique Françoise Girard. « Elles sont avant tout destinées au mariage et à la maternité. Il n’y a pas d’autres options. » Puisqu’elles sont destinées à se marier, leurs familles ne jugent pas nécessaire de les envoyer à l’école.

L’organisme Filles, pas épouses rappelle que 60 % des filles mariées dans les pays en développement n’ont reçu aucune éducation officielle.

Pour celles qui ont réussi à aller à l’école, un mariage précoce signifie habituellement la fin de la scolarisation. Leur nouveau rôle d’épouse implique de prendre soin des enfants et du foyer conjugal, ce qui n’est pas compatible avec la fréquentation scolaire.

C’est un cycle générationnel d’ignorance et de misère.

Françoise Girard, présidente de la Coalition internationale pour la santé des femmes

Quand une fille quitte l’école, son droit à l’éducation est nié, tout comme celui de développer les habiletés et les connaissances nécessaires pour vivre sa vie et gagner un revenu qui pourrait contribuer à faire vivre sa famille et sa communauté.

De plus, des filles mariées très jeunes avec des hommes plus âgés se retrouvent souvent veuves. Sans éducation, elles ont bien plus de mal à trouver un travail.

« Le mari peut mourir à 40 ans, la laissant avec plusieurs jeunes enfants et sans éducation », explique Françoise Girard, « et sa famille ne voudra pas nécessairement la reprendre. »

Quel espoir pour l’avenir?

En Asie du Sud, on observe une amélioration depuis les années 80, surtout en ce qui concerne les mariages avant 15 ans. « C’est le résultat d’un ensemble de facteurs », souligne Françoise Girard. « D’une part, la croissance économique, qui a permis d’ouvrir des horizons aux filles, mais aussi un changement dans le discours par rapport aux femmes, c’est-à-dire la valeur des filles dans les familles. »

Une fois que les familles et les communautés commencent à changer leur façon de voir les filles, à considérer qu’elles ont un potentiel autre que d’être épouses et mères, ça change la donne pour les mariages précoces.

Françoise Girard, présidente de la Coalition internationale pour la santé des femmes

Par contre, en Afrique subsaharienne, et particulièrement en Afrique de l’Ouest, on constate peu de changements.

« Il faut travailler avec les communautés pour aller à la cause fondamentale, qui est l’inégalité de genre », précise Mme Girard. Ce sont des groupes locaux qui, peu à peu, montrent aux parents que l’éducation peut être une alternative valable, qui pourra mieux outiller leurs filles pour leur permettre d’améliorer leur situation.

Radio Canada

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