AU FIL DES SEMAINES > L’ACTU – « Papa, maman, j’ai 16 en agnatologie et 15 en responsabilité sociétale ! » ou les nouveaux apprentissages obligatoires post #Regrexit

Le lendemain du vote pour le Brexit, avec l’inquiétude de l’avenir, montait la vague des regrets. Pire, une pétition était lancée pour revenir sur le vote et la première requête des moteurs de recherche en Grande Bretagne était « What is EU ? ». Que devons-nous faire, nous, parents et éducateurs, pour que Malo, Julia, Lea ou Samir, 6 ans aujourd’hui, ne se retrouvent pas à 20 ans avec cette angoisse face à ce monde ouvert et un manque total de lucidité dans leur exercice démocratique ?

L’onde de choc du Brexit

Le Brexit a été une secousse importante, avec une onde de choc qui va continuer à ouvrir des failles pendant longtemps sur le continent des relations européennes. Entre réalité et prophéties vite auto-réalisatrices, il y a assurément de quoi prédire un avenir mouvant et incertain.

Les commentaires ont été innombrables et portant sur à peu près sur tout : l’inconsistance des hommes politique anglais pro Brexit, les risques pour les marchés financiers, la question des visas, de la protection sociale, la fracture territoriale, etc etc

Tout cela est d’importance, et continuera à nourrir les media pendant de longues années, au fur et à mesure des problèmes qui surgiront immanquablement.

Pourtant, ce qui me semble urgent pour l’avenir, encore davantage que le Brexit, c’est les enseignements que nous devons tirer du Regrexit qui s’est mis en place dès le lendemain du vote, à la lecture des résultats.

Le regrexit

Comme se réveillant avec une terrible gueule de bois, les Anglais et leurs compatriotes Grands Bretons ont commencé à réaliser ce qu’ils avaient déclenché et ont cherché à faire machine arrière. On a vu se mettre en place une pétition pour refaire le vote qui a tout de même recueilli plus de 3 millions de signatures en ligne, et fleurir les tweets ou les messages sur les réseaux sociaux de mea culpa poignants par ceux qui avaient voté pour le départ, comme à l’insu de leur plein gré.

Plus édifiant encore, le lendemain du vote, la requête qui arrivait en tête des moteurs de recherche en Grande Bretagne était « What is EU ? », comme si les votants (avec un taux exceptionnel de 72 % d’expression) s’étaient prononcés sans connaitre le sujet et ses enjeux.

Quels enseignements  tirer de cette suite fort peu glorieuse ?

Que proposer à nos enfants qui auront 20 ans en 2030 pour que, dans des pays qui se veulent aussi culturellement avancés et hautement démocratiques, le même scénario catastrophe d’électeurs honteux et perdus ne se renouvellent pas ?

Que faire pour que Malo, Julia, Lea ou Samir, 6 ans aujourd’hui, ne se retrouvent pas à 20 ans avec cette angoisse face à monde ouvert et un manque total de lucidité dans leur exercice démocratique ?

Les nouveaux apprentissages scolaires post regrexit

Il nous faut absolument revoir les programmes scolaires ! Je propose, dès l’école primaire, un programme pédagogique avec trois nouveaux apprentissages obligatoires :

1/ Un séjour obligatoire à l’étranger d’au moins deux semaines au moins une année sur deux.

Ce serait un moyen de connaitre les « étrangers », et d’éviter le repli sur soi et la peur identitaire qui ronge visiblement certaines populations, surtout les moins favorisées. L’analyse du vote montre en effet que ce sont des Blancs, peu diplômés, et plutôt dans les campagnes ou les grandes banlieues qui ont voté POUR le Brexit, par peur d’une précarisation encore plus grande, en chassant le coupable désigné : l’étranger. Le fait de voyager dès le plus jeune âge fera tomber cette peur de l’autre et permettra d’apprivoiser la mondialisation, vue uniquement par son côté le plus sombre. Et ces séjours à l’étranger doivent être obligatoires et pour tous.

 2/ Des cours d’agnatologie, « science de l’ignorance »

En effet, la digitalisation fait peur et il faut apprivoiser le « monstre » qu’est devenu le WEB. Il est essentiel que dès leur plus jeune âge, les élèves apprennent à décoder tout ce qui se dit sur le Web. Apprendre à lutter contre les rumeurs, les inepties qui circulent à la vitesse de la lumière grâce à Internet est devenu indispensable pour que chaque citoyen ait la possibilité de maîtriser l’information et se forger sa propre opinion. Ce que nous montre cette campagne, c’est que les utilisateurs du WEB n’ont aucun recul critique vis-à-vis de ce qu’on leur dit. Des expériences fleurissent de-ci de-là, elles sont passionnantes, il faut les rendre obligatoires.

 3/ Des expériences de responsabilité sociétale

Un vote est une voix donnée par chaque citoyen à un projet. Cette voix est prise en compte, de la même façon, qu’elle vienne d’un puissant ou d’un misérable. C’est la base de l’exercice démocratique.

Le vote n’est pas un jeu vidéo avec plusieurs vies, où on peut recommencer si on est mécontent du résultat. Il va falloir vivre avec, etaider nos enfants à mieux prendre conscience de leur importance politique, au sens de leur importance dans la cité. Apprendre que, lorsqu’on met son bulletin dans l’urne, on est une partie du corps qui décide, et quand on ne le met pas, on agit aussi sur la décision, par défaut. La responsabilité sociétale, c’est se dire que chacune de nos décisions a un impact sur quelque chose ou quelqu’un.

Il faut dès le plus jeune âge proposer à nos enfants des expériences qui seront une implication concrète dans des projets de nature associative ou citoyenne (on peut très jeune commencer à nettoyer des lieux publics, ou contribuer à des projets humanitaires ..). Elles  seront un moyen de lutter concrètement contre l’irresponsabilité sociétale, et le socle du « pouvoir agir » de chacun. 

 Il est essentiel que tous les enfants qui auront 20 ans en 2030 possèdent ce bagage minimal pour éviter non pas un autre Brexit si c’est leur choix raisonné, mais un autre Regrexit ! Et que cela n’ait rien à voir avec le niveau social ou le niveau de diplôme.

Le « pouvoir agir », la « connaissance de l’autre », et la « prise de recul », sont trois nouveaux savoir, savoir-faire et savoir-être à enseigner dès le plus jeune âge. Ce n’est plus négociable.

Isabelle Barth

Professeur des Universités et chercheur en Management

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