DOSSIER : Ces constructeurs automobiles qui croient en l’Afrique

Le continent n’est pas encore un eldorado, loin de là. Mais les groupes européens et asiatiques restent confiants dans le potentiel d’un marché où berlines et SUV percent enfin aux côtés de l’éternel 4×4.

Avec environ 1,7 million de véhicules neufs vendus annuellement, le marché africain fait encore pâle figure à l’échelle mondiale, et notamment face à l’Asie. Dans la seule Chine, 20 millions de voitures ont été écoulées en 2013.

Résultat : certains distributeurs doivent lutter auprès de constructeurs comme l’allemand Mercedes ou le coréen Kia, centrés sur d’autres continents, pour obtenir les voitures demandées par leurs clients. Des difficultés auxquelles s’ajoutent la concurrence des véhicules d’occasion – 5 millions arrivent chaque année d’Europe – et celle des véhicules neufs achetés à l’extérieur du continent et acheminés par des particuliers.

CFAO en marche arrière

Le premier distributeur du continent accuse un recul de 18 % de ses ventes en 2013 (78 237 véhicules écoulés, contre 98 063 en 2012), lié à une baisse de 28 % de ses ventes en Afrique du Nord (38 172 véhicules vendus en Algérie et au Maroc). Il résiste mieux en Afrique francophone (17 853 véhicules vendus, en hausse de 1 %).

Pari sur le futur

Pourtant, si le marché automobile africain n’est pas encore un eldorado, une poignée de constructeurs, alliés à des distributeurs bien implantés localement, ont fait du continent une priorité, pariant sur sa croissance future. Parmi ces « pionniers », Toyota, leader historique en Afrique, avec 270 000 véhicules vendus en 2013, soit 30 000 de plus qu’en 2012. La marque japonaise se distingue notamment en offrant une gamme très large, de la petite citadine Yaris jusqu’au pick-up Hilux.

Derrière le japonais, deux groupes sont également à l’offensive. D’abord, le français Renault, dirigé sur le continent par Jean-Christophe Kugler, directeur des opérations Euromed Afrique, dont les véhicules à bas coûts Logan et Sandero et le 4×4 Duster se vendent comme des petits pains au Maghreb, et qui escompte réussir une percée au sud du Sahara. Mais aussi Volkswagen, qui annonce sans complexe vouloir détrôner Toyota. Pour y arriver, le constructeur allemand mise sur une stratégie de montée en gamme de ses clients en jouant sur la complémentarité de ses différentes marques : Skoda, Seat, Volkswagen, Audi puis Porsche. Enfin, les groupes chinois comme Great Wall ou Chery sont également en embuscade. En 2012, ils auraient vendu environ 250 000 véhicules en Afrique.

Les réalités des différents marchés automobiles africains sont plus que jamais contrastées. Volume des ventes (552 000 en Algérie, contre 6 000 en RD Congo), niveau des taxes, politique d’importation, coûts logistiques, état des routes, qualité des carburants, chaque pays a ses particularités, et les distributeurs doivent d’ailleurs s’y adapter. Et il est difficile de capitaliser sur un pays pour réussir ailleurs.

Afrique du Nord

Le royaume des berlines et des citadines

L’Algérie, devenue en peu de temps le deuxième marché du continent derrière l’Afrique du Sud, a connu des années 2012 et 2013 exceptionnelles, avec respectivement 568 000 et 552 000 véhicules vendus. Dans un pays qui s’est ouvert aux importateurs plus tardivement que le Maroc et la Tunisie, les ménages de la classe moyenne rattrapent leur retard d’équipement. En 2013, en effet, les groupes Renault et PSA Peugeot-Citroën, qui détenaient chacun 26 % de part de marché, ont régné sans partage sur les segments des véhicules à bas coûts et des berlines citadines d’entrée de gamme comme les Dacia Logan et les Renault Clio ou Symbol. Le groupe Volkswagen, avec 18 % de part de marché, complète le trio de tête. Parmi ses best-sellers : la Seat Ibiza et la Volkswagen Polo.

« En 2005, le marché algérien était dominé par les marques asiatiques ou faisant fabriquer leurs véhicules en Chine. Aujourd’hui, il est à 70 % entre les mains des européens Renault, Dacia, Peugeot, Citroën et Volkswagen », observe Mourad Oulmi, patron de Sovac, distributeur du groupe Volkswagen. Néanmoins, après avoir enregistré un recul de 30 % de leurs ventes au premier trimestre de 2014, les concessionnaires ont revu leurs chiffres à la baisse. Ce renversement de tendance s’explique notamment par le report des dépenses des Algériens vers le secteur de l’immobilier, stimulé par les programmes gouvernementaux d’accession à la propriété. Les ventes ne devraient atteindre que 350 000 véhicules en fin d’année, selon Mourad Oulmi.

En 2013, les marchés marocain (120 513 véhicules) et tunisien (47 960) affichent des volumes plus faibles que leur voisine, orientés à la baisse, de respectivement 6 % et 2,7 %. Renault résiste bien au Maroc, avec une part de marché passée de 36 % à 39 %. Ses nouveaux modèles Duster et Clio 4 y ont reçu un bon accueil. PSA, quant à lui, enregistre aussi de bons résultats avec la Peugeot 207 et le démarrage satisfaisant de la 301, conçue pour les pays émergents, d’un coût abordable, avec des motorisations adaptées et robustes. En Tunisie, les trois constructeurs européens Renault, Peugeot et Volkswagen se distinguent avec respectivement 18,4 %, 13,8 % et 13,7 % de part de marché pour l’année 2013.

Afrique de l’Ouest

4×4 et véhicules de loisir en tête

Les 4×4 et les véhicules de loisir (SUV) avec une bonne hauteur de garde constituent toujours une bonne partie des ventes dans l’ouest du continent. Mais, dans les grandes villes, les petites berlines se multiplient. « À Dakar, la Renault Logan a remporté un appel d’offres pour les taxis, et les particuliers commencent à l’apprécier », remarque Jérôme Barth, directeur général de la Sénégalaise de l’automobile, qui leur pronostique un bel avenir dans une grande ville comme Abidjan.

Reste que, au Sénégal, les distributeurs de véhicules neufs sont moroses : « Seulement 5 900 voitures ont été vendues en 2013. Depuis 2011, les volumes diminuent, en raison principalement de la suppression, en 2012, de la limite d’âge sur les véhicules d’occasion importés (imposée en 2001), qui a entraîné un afflux de vieilles voitures », regrette Jérôme Barth, qui distribue Mercedes, Kia, Mitsubishi, Citroën et Suzuki. « Toyota reste la première marque dans le pays, avec 21 % de part de marché en 2013. Nous escomptions le concurrencer grâce à notre marque Kia, dont le modèle Sportage est très populaire. Mais le constructeur a eu du mal à répondre à nos commandes », indique-t-il.

La Côte d’Ivoire, redevenue le premier marché automobile ouest-africain, est repassée au-dessus des 8 000 véhicules en 2012 (contre 5 264 en 2011). « Toyota, Mitsubishi et Ford occupent les trois premières marches du podium », indique Fadi Kanaan, directeur général de Rimco Motors, distributeur à Abidjan de la marque chinoise Great Wall, qui commence à se faire une place avec 4,5 % de part de marché. « Nous devenons un concurrent sérieux pour les coréens Hyundai et Kia, plutôt en perte de vitesse », estime-t-il. En 2014, il pronostique une stabilisation du marché avec 8 150 véhicules vendus.

Afrique centrale

Le pick-up cède du terrain

« L’Afrique centrale est un marché difficile, particulièrement du point de vue logistique, avec des volumes faibles », constate Claude Kieffer, du groupe Fadoul, bien implanté en Afrique de l’Ouest, qui peine à percer au Cameroun et au Congo-Brazzaville. Avec moins de 3 000 véhicules neufs au Cameroun, 5 774 au Gabon et 5 930 pour le géant qu’est la RD Congo, et deux distributeurs dominants, CFAO et Tractafric Motors, il n’y a guère de place pour la concurrence. Surtout sur un marché orienté à la baisse. La RD Congo a ainsi vu ses volumes fondre de 14 % en 2013.

« Toyota est incontestablement la marque phare de la région, avec un pick-up Hilux qui a les faveurs des sociétés, notamment minières, agricoles, de télécoms et brassicoles », affirme Pascal Ermgots, directeur commercial de CFAO à Kinshasa, le distributeur de la marque. « À cause des incertitudes politiques et sécuritaires, nous constatons un resserrement des budgets des entreprises, ces dernières constituant 90 % de notre clientèle », indique Didier Kayeye, directeur d’exploitation de Katanga Motors (groupe Tractafric Motors), représentant des marques Mercedes, Ford et Mitsubishi à Lubumbashi.

L’avenir laisse entrevoir des perspectives plus positives. « À côté des pick-up et 4×4, il y a, dans les grandes villes, un début d’engouement pour des berlines peu onéreuses, qui peuvent désormais circuler sans souci dans la capitale, grâce à l’amélioration des routes, rendues carrossables. Ailleurs, les véhicules de loisirs à deux roues motrices, comme le Suzuki Gran Vitara, se vendent bien ; le 4×4 n’est plus une exigence absolue », remarque Pascal Ermgots. Qui ajoute que « désormais, pour 20 000 dollars, certains cadres kinois préfèrent s’acheter une berline neuve plutôt qu’un véhicule d’occasion 4×4 bien équipé, mais non couvert par la garantie d’un constructeur ».

Sources : Jeune Afrique

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