« J’ai fais le rêve que l’on rendait aux athées leur lieu de vie… »

Que les choses soient claires : une vie sans un verre de vin blanc ou un petit jaune partagé au comptoir, sans café-croissant le matin, le nez plongé dans le « Midi Libre », « La Provence » ou « La Marseillaise », une vie sans en griller une entre potes après le bureau, sans « patron, c’est la mienne ! », une vie sans chocolat chaud, sans noisette, sans croque-monsieur ou madame, sans un verre de vin rouge avec des tartines de chèvre ou de rillettes… bref, une vie sans bistrot ne vaut pas d’être vécue.

Retrouvailles, ruptures, apéros, interviews, contrats, annonces d’heureux événements ou au contraire de mauvaises nouvelles, anniversaires, débats, prises de tête, roulages de pelle, écriture de chefs-d’œuvre, rencontres d’un autre monde : vous avez dit « non essentiels » …

Mais quel pisse-froid aigri de l’estomac, quel cerveau déformé, quel cœur ratatiné a pu décréter pareille ineptie … La France sans ses cafés, c’est 90 millions de touristes annuels qui fichent direct le camp en Italie ou en Corée du Sud ! Paris sans La Palette, le Flore et Le Wepler, Toulouse sans le Père Louis et le Café Authier, La Rochelle sans Le Bistro du Gabut, Vimoutiers sans le Bar des motards, Marseille sans le Marengo et le Café de l’OM, Nîmes sans le Prolé, les Antonins et la Petite Bourse… ne sont plus des villes, mais des gares de triage, des centres commerciaux à ciel ouvert, des cours de récré sans ballon, sans jeux, sans cris et sans rires.

STOP ! « Le bistrot, c’est la culture traditionnelle française, la tribune du peuple. C’est le seul endroit où tu peux mélanger les riches et les pauvres, les bourgeois et les sans-culottes. Le médecin comme l’ouvrier, ici tout le monde est logé à la même enseigne. C’est cette gouaille que les clients viennent chercher. On parle de la même manière à tout le monde, sans distinction sociale. Le bistrot est aussi un sas de décompression qui permet de ne pas passer du boulot à la maison. On refait le monde sur le courage, on partage, on débat » me disait ce week-end un compagnon de jeu en distanciel… au téléphone forcément.

Sans ce sas de décompression, j’ai peur que quelqu’un un jour pète un cable… sans cet amortisseur social, je crains que demain nous n’ayons plus de ceinture de sécurité mentale, alors ce sera le « crash »… pourvu que la haut à Paris il réfléchisse enfin avec le coeur au lieu de la calculette. On verra bien ce soir

Fabrice FONTANIÉ