L’IDÉE REÇUE DE LA SEMAINE – « La forêt recule… en Afrique»

Parce qu’elle capte le dioxyde de carbone (CO2), la forêt est souvent présentée comme le poumon de la planète. Elle contribue à la production de l’oxygène, qui lui-même participe à la formation de la couche d’ozone, dont le rôle est de protéger l’atmosphère terrestre des rayonnements ultraviolets. À l’heure du réchauffement climatique, de la fonte des glaciers et du battage médiatique sur l’étendue du trou de la couche d’ozone, les habitants de la Terre portent tout naturellement leur regard sur ce qui reste du couvert forestier, notamment dans certaines régions d’Afrique, où la nature l’a fait particulièrement dense. Le constat semble unanime : sous les coups de boutoir de ses habitants et surtout des entreprises forestières, la forêt recule ! Vrai ou faux ?

Pour Alain Morel, géographe à l’université Joseph-Fourier de Grenoble, coauteur de L’Afrique des idées reçues, cette assertion n’est pas fondée. « En Afrique centrale atlantique, depuis cinq cents ans au moins, malgré la mise en valeur qui continue, la forêt reconquiert la savane, par progression sur ses marges et par recolonisation d’îlots. » Selon lui, la forêt devrait encore progresser sur les savanes pendant des millénaires, réoccupant le domaine qu’elle avait déjà occupé. Les paléo-botanistes sont du même avis, puisqu’ils ont établi le même constat depuis les années 1990.

La représentation occidentale du recul de la forêt recèle néanmoins une part de vérité. La plupart des pays africains perdent leur forêt pour des raisons qui tiennent à la fois de l’économie nationale, avec la coupe des essences commerciales, mais aussi à cause du défrichement et des feux de brousse opérés par les agri­culteurs. À quoi il faut ajouter les besoins domestiques des populations. Résultat, entre 1976 et 1980, 1,3 million d’hectares de forêts denses auraient été déboisés. La décennie suivante, entre 1980 et 1990, 4,8 millions d’hectares ont été coupés et 5,3 millions entre 1990 et 2000.

En Côte d’Ivoire, 500 000 hectares de forêt disparaissent chaque année du fait de l’agriculture itinérante sur brûlis. De 15 millions d’hectares en 1956, le couvert forestier ivoirien n’était plus que de 2,7 millions en 1990. Cet espace, traversé par des axes routiers, est aujourd’hui occupé par les plantations de café et de cacao.

Au Cameroun, le bois représentait en 1999 le quart des exportations du pays. Des scieries, des routes tracées pour évacuer les grumes ou approvisionner les usines de transformation gagnent chaque jour du terrain sur la forêt et sa biodiversité. Et l’absence ou la faiblesse de l’État dans la régulation de ces activités conforte l’idée que l’exploitation des essences commerciales de la forêt n’est pas maîtrisée.

Mais cette idée très répandue est une fausse évidence. L’exploitation forestière ne dégrade le massif du Congo que de l’intérieur. En revanche, sur ses marges, à la lisière des savanes, la forêt progresse, et « elle avancerait davantage si les feux de savane allumés par les populations ne ralentissaient pas sa progression », soutient Charly Favier, de l’université de Montpellier, chef d’une mission d’étude déployée au Cameroun depuis le 10 janvier 2007.

Il est vrai que, de 2000 à 500 avant J.-C., la forêt équatoriale africaine a connu un recul important devant la savane. Mais, depuis un millénaire, la tendance s’est inversée. Selon les chercheurs, cette évolution expliquerait la migration des Bantous vers l’Afrique australe, au moment où la forêt régressait devant la savane. Le recul dont on parle aujourd’hui est plus fantasmé que réel. Il est inspiré par le spectacle de pans entiers de forêt dévastés par l’activité humaine. Seulement, les médias ne s’intéressent pas au reboisement parallèle, moins spectaculaire, il est vrai.

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