L’IDÉE REÇUE DE LA SEMAINE – « Le sida va rayer l’Afrique de la carte du monde »

Très vite identifié comme maladie sexuellement transmissible, donc chargé de tabous, le sida, comme en son temps la syphilis, devait trouver ses coupables. En Afrique subsaharienne, dès son apparition, il fut considéré par l’opinion publique comme une maladie propagée par les Blancs pour décimer les populations noires. On se perdit en conjectures toutes plus irrationnelles les unes que les autres (virus échappé de laboratoires, chercheurs démoniaques).

Au début des années 1980, tandis que les statistiques relevées en Afrique par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquaient l’inexorable progression du VIH, nombre d’Africains perçurent comme une offense le poids accablant d’une accusation souvent insidieuse portée par les médias occidentaux. L’idée s’imposa que l’Afrique allait se dépeupler irrémédiablement. On était passé, en moins de dix ans, d’une obsession de natalité galopante – véritable hantise des puissances occidentales au prétexte qu’elle mettait en péril les réserves nutritionnelles de la planète – à une démographie en chute libre, jusqu’à faire disparaître les populations africaines.

C’était oublier que l’Afrique n’est pas une mais multiple. Que, face au sida, la mosaïque des peuples qui l’habitent offre des comportements très variables selon l’environnement, la religion, la culture, les traditions, la politique en cours ou l’économie. D’un pays à l’autre, d’une décennie à l’autre, on observe ainsi des ripostes collectives d’une grande diversité face à l’irruption du sida : le VIH qui s’était déclaré en même temps à Kinshasa, Kampala, Kigali et Lusaka est resté stable dans la capitale de la RDC, tandis que le nombre des personnes contaminées explosait dans les trois autres capitales, sans explication simple et évidente.

Mieux, on constate à présent que les premiers pays touchés d’hier peuvent être aujourd’hui parmi les moins affectés, et inversement. Rien ne laissait augurer, il y a quinze ans, que l’Ouganda, où ne survivaient plus que les vieillards et les enfants, serait en 2006 présenté comme « modèle à suivre », avec une diminution de l’infection (4 % de prévalence en 2004 contre 13 % en 1990), chez les adolescentes plus particulièrement.
Une part de ce succès est à mettre au crédit de l’association Taso (The Aid Support Organisation). Sa fondatrice, Noreen Koliba, emblème africain de la lutte contre le sida, voulait que « l’Ouganda continue à apporter la preuve que l’épidémie recule devant les interventions humaines. L’utilisation du préservatif chez les femmes célibataires de 15 à 24 ans a presque doublé en six ans et un nombre important des femmes de ce groupe d’âge ont retardé leur activité sexuelle ou pratiquent une totale abstinence ».

À l’inverse, le Cameroun est entré dans la phase la plus explosive de l’épidémie alors qu’on le tenait pour le miraculé des années 1980 et qu’il avait lancé à l’époque des campagnes de prévention très hardies.
La pauvreté, souvent incriminée, n’est pas un facteur décisif : le Botswana, qui dispose d’un système de santé performant, a atteint le seuil critique des 40 % de prévalence chez les 15-49 ans.

L’Afrique ne sera pas rayée de la carte du monde, même si environ 25 millions de ses habitants sont porteurs du virus du sida. Le danger est autre : en frappant de plein fouet la génération la plus active, la maladie pèse lourdement sur les économies, à commencer par l’agriculture, où le manque de bras actifs compromet à la longue la sécurité alimentaire. Depuis 1985, sept millions de travailleurs agricoles sont morts du sida. Le VIH réduit aussi à néant les efforts sanitaires pour améliorer la longévité des Africains : l’espérance de vie à la naissance avait longtemps stagné à des niveaux très bas avant de s’élever à 60 ans dans la décennie 1970.

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